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Chapitre 19

Tana

Jeudi 1 Novembre

Je n'ai jamais vu Raphaël dans cet état, c'est un garçon pourtant détendu en temps normal, mais c'est une boule de nerfs prête à exploser. J'essaye tant bien que mal d'être là, de le soutenir, mais après la bombe que Susy, anciennement Maître Pipot, a lâché, je suis complétement perdue moi aussi. Il ne s'attendait vraiment pas à des révélations pareilles, moi non plus d'ailleurs, c'est complètement fou ! Si c’est vrai comment depuis si longtemps autant de personnes peuvent fermer les yeux ? Nous avons quitté l'appartement de Sullivan encore plus paumés qu'au départ, je sens qu'il est un peu déçu, il s'est fait une montagne de ce rendez-vous et il a l'impression d'avoir été dupé.

Il ne sait pas s'il doit y croire ou partir immédiatement. Il a toujours fait face, mais il n'avait jamais vraiment été confronté directement à cette affaire, il s'était fait dans sa tête sa petite idée, que le meurtrier purgeait sa peine et que c'était réglé, pas que le soi-disant assassin, serait finalement innocent et victime d'une machination organisée par une femme jalouse. Toutes les étapes de sa vie pour se construire et accepter sa peine sont mises à mal, il est déstabilisé. Son coeur lui dicte une chose, mais sa tête tout le contraire, et je comprends tout à fait ce ressenti. Mais il doit voir les choses en face, et penser que peut-être cela est possible, et je le connais, si le moindre doute persiste dans son esprit, il ne pourra pas rebrousser chemin, c'est un gentil gars, et il ne laisserait personne payer le prix d'un acte qu'il n'a pas commis, il est humain c'est pour ça que je l'aime. Je lui ai promis d'être là pour lui comme il a pu être là pour moi. Je compte l'accompagner du mieux que je peux, puis faut dire que du coup les histoires étranges je connais.


C'est bête, mais je pense souvent à Clarisse, c'est idiot parce que je ne devrais pas, cette femme m'a menti toute ma jeunesse, m'a manipulé, mais avec du recul , je me dis qu'elle avait juste besoin de soins. Que finalement sa famille n'a pas été assez là pour elle, qu'ils n'ont pas compris assez tôt qu'elle était déjà en bas de la pente glissante. Ils n'ont pas vu qu'elle jouait chaque jour un rôle qui ne lui correspondait pas. Je ne lui donne pas d'excuses et je n'aurais pas imaginé dire ce genre de choses, mais maintenant j'ai de la peine pour elle. Dix-huit ans de mensonges balayés du revers de la main en un an vous me direz, oui mais je n'avais pas envie de porter ce fardeau plus longtemps, j'ai retrouvé ma vraie famille avec qui je me sens bien et je n'ai pas envie de penser chaque jour à cette femme complètement délaissée. J'espère juste que là où elle est, ils essaient enfin de l'aider.


Raphaël sort enfin de la salle de bain, laissant échapper la buée accumulée pendant sa douche, nous avons réservé une chambre d'hôtel dans le quartier des arts, c'est très sympa, même si notre visite n'a rien de touristique.

 

- Ça va ?
- Mouais.
- Tu te demandes encore si ça peut être vrai ?
- Hum hum.
- On a tout les deux vu, elle nous a montré les informations qu'ils ont rassemblées.
- Rien d'officiel, coeur !
- Peut-être, mais pour moi ça tient la route, et tu sais très bien que les mensonges peuvent être cachés pendant très longtemps, j'en suis la preuve vivante bébé.
- Hum.
- Et puis je te connais, maintenant que tu as le doute, tu ne pourras pas t'échapper comme un voleur, ce n'est pas du tout ton genre.
- Tu as raison. Mais ça me parait tellement...
- Dingue ?
- Oui.


Je lui tends le téléphone et fais mon regard de chien battu, il capitule et compose le numéro que Susy nous a laissé avant que l'on ne quitte l'appartement de Sullivan hier soir. Il s'assoit sur le bord du lit en se rongeant les ongles, je lui glisse ma main rassurante sur l'épaule. La seule fois où j'ai entendu Raph parler si vite, c'était pendant le séjour écolo à Selvadora quand il avait vu ma copie conforme, d'ailleurs parlons-en de ma soeur, je n'ai pratiquement plus aucune nouvelle d'elle, je ne pensais pas que notre complicité serait d'aussi courte durée. Je sais évidemment, elle à ses cours, qu'elle ne s’est pas lancée dans n'importe quel projet, que sa demande du temps et des sacrifices, mais on n'a même plus le temps de se voir, elle part le matin hyper tôt, car il y a de la route, elle ne rentre pas le midi, le soir elle est tellement fatiguée qu'elle mange et part se coucher et le week-end, elle repart pour aller bosser à la bibliothèque sans compter les stages à venir. Je l’ai même entendu dire qu’il serait mieux qu’elle prenne une chambre à l’université… Si ça se trouve je ne la reverrai pas avant de devoir aller me faire soigner à l'hôpital. Docteur Sisaro Roselya. Pffff.
 

- Alors, qu’est ce qu’elle a dit ?
- Elle m’a remercié et nous donne rendez-vous dans deux jours pour qu’on puisse voir ensemble la suite.
- On se croirait dans une série policière.
- En attendant elle m’a dit qu’on devait rester sur nos gardes au cas où. Que si jamais on se sent suivi on doit l’avertir de suite.
- Du coup moi je propose qu’on reste sous la couette pendant deux jours qu’est-ce que tu en penses ?
- Ça me va. Aller viens par là ma beauté.


Il me serre contre lui, son corps est bouillant, nous voilà repartis pour une nouvelle aventure… Je me demande bien ce qu’on va découvrir…

 

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