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Chapitre 23

Roselya

Jeudi 15 Novembre

Mon premier réveil à Sulani, la nuit a été plutôt agitée, à notre retour à l'hôtel après la rencontre avec les deux hommes, nous avons rejoint discrètement Raphaël dans sa chambre, il a été surpris de ne pas voir une Sisaro, mais deux. Tana m'avait dit sur le trajet qu'elle lui dirait tout, mais après vingt minutes à discuter avec lui, elle lui avait déjà menti trois fois, j'adore ma soeur, mais ils sont en couple et s'aiment éperdument, la vérité est toujours mieux que le mensonge, alors après plusieurs regards insistants, j'ai vendu la mèche. Raphaël s'est mis dans une colère noire, lui qui est plutôt cool, c'est la première fois que je le vois comme ça. Il m'a fait de la peine, j'ai le cul entre deux chaises, ma soeur d'un côté et son mec que j'apprécie, qui est droit dans ses bottes de l'autre. Je prendrais toujours la défense de ma soeur, mais pas quand sa sécurité est en jeu.

J'ai assisté à leur première querelle de couple depuis qu'ils sont ensemble, je culpabilise, car j'en suis l'auteure, mais je le referais sans hésiter si ça me permet de la protéger. Après cette engueulade nous avons rejoint notre chambre, j'ai eu le droit à une soupe à la grimace assez corsée, elle ne m'a pas adressé la parole depuis le réveil, elle reste allongée sur le lit sans rien dire. Il est quatorze heure, ce cinéma a assez duré. Je brise le mur qui se tient entre nous deux.


- Tu vas faire du boudin encore longtemps ?
- Je ne fais pas du boudin.
- A peine, je suis vraiment désolée, mais comme tu ne disais rien...
- Tu aurais dû te taire, je lui aurais dit moi-même.
- Pas à moi Tana, tu es de mauvaise foi.
- Peut-être. Comment peux-tu le savoir de toute façon.
- Parce-que tu es ma sœur !
- Ce n'est pas l'impression que ça donne depuis quelques mois !
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Ne fais pas comme si tu ne comprenais pas Rosy, depuis que tu as repris les cours c'est comme si j'étais transparente.


 

C'est donc pour ça qu'elle est si tendue avec moi, maman m'a touché un mot à ce sujet, elle pense que Tana a le sentiment d'être abandonnée, elle avait donc vu juste. Ça me fait de la peine, car à moi aussi elle me manque, j'aimerais passer tout mon temps libre avec elle comme les premiers jours de son retour, mais je ne peux pas, pas parce que je ne veux pas, mais parce que je n'ai pas une minute à moi. C'est pour ça que je suis venue ici, car je sais qu'elle a besoin de moi autant que j'ai besoin d'elle et que pour une fois j'ai mis mes études de côté. Au moins c'est dit.


- Tana, tu sais que je n'ai pas choisi la plus facile des filières.
- Je sais.
- Ne croit pas que je t'oublie c’est complètement faux !
- ...
- Je vais aller faire un tour, tu viens ?
- Non. Je vais aller prendre une douche !
- Ok, à tout à l'heure.


Elle claque la porte de la salle de bain et s'enferme dedans. Je passe dans le couloir silencieux de l'hôtel, à travers la porte de Raphaël, j'entends des bruits. Je toque.

 

- Je te dérange ?
- Non entre.
- Ne lui fait pas la gueule s'il te plait, c'est de ma faute.
- Non c'est de la sienne, elle aurait dû m'en parler.
- Elle voulait simplement t'aider.
- Pas en se mettant en danger.
- Pour le coup je suis d'accord, mais elle ne va vraiment pas bien.
- Elle aurait dû y penser avant.
- Sérieux vous êtes chiants tous les deux.


Je tourne les talons avant de disparaître dans le couloir pour sortir de là, j'ai besoin de réfléchir sans entendre râler ni l'un, ni l'autre. On dirait des enfants qui se battent pour une sucette. Comme si régler les soucis en adulte n'était pas plus facile.

 

Je suis d'accord avec lui sur le fait que Tana n'a pas encore la notion du danger même si elle est avec nous depuis quelque temps. Pendant toute son enfance Clarisse l'a mise dans une bulle stérile et Tana n'a pas pu faire ses armes, elle se sent redevable comme toute la famille pour ce que Raphaël a fait, mais ne se rend pas compte des conséquences des choix qu'elle peut faire à présent. Il est blessé, mais lui aussi il faut qu'il comprenne que même si elle s'y prend mal, elle l’a fait car elle l’aime et qu'elle veut l'aider par tous les moyens.




 

J'ai passé plusieurs heures à marcher dans le sable chaud de la plage, le cadre est vraiment reposant, des enfants font des châteaux et les ados sautent des rochers, la vie ici à l'air tellement plus simple. Depuis que j'ai commencé les études de médecine je n'ai plus le temps pour personne, ni même pour moi, mais c'est vraiment ce que je veux faire, elle finira par comprendre et de mon côté je vais essayer de passer un peu plus de temps avec elle, quitte à passer mes nuits pour réviser mes cours. Je ferais tout pour elle, je n'ai pas envie de la perdre une deuxième fois.


Sur le chemin du retour, je passe devant la petite épicerie qui longe la route et une idée me vient, je rentre et en ressors les bras chargés de petites babioles et de quelques fruits. Il est maintenant dix huit heure, le hall de l’hôtel est vide, les touristes s’apprêtent dans leurs chambres pour partir au restaurant. Je vais voir le jeune homme qui se tient à l’accueil, qui me donne gentiment la clé que je lui ai demandée, c’était facile, il ne s'est pas méfié une seconde.
Je rentre dans la chambre, Tana est toujours assise sur son lit, elle lève la tête en me voyant rentrer les bras chargés.


 

- Tu fais un régime aux fruits ?
- Non, c’est pour vous deux, vous n’avez pas mangé ni l’un ni l’autre, ça serait l’occasion pour que tu ailles lui parler ?
- Je ne sais pas s'il veut me voir, il n’a pas répondu à mes messages !
- Tana tu es la première à me dire que les hommes sont un peu cons parfois, alors prends ses fruits et va le voir. J’arrive dans vingt minutes. Essayez d’avoir fini quand je débarque.


Elle rigole, avant de s’emparer du “repas” et quitte la pièce. J’envoie un message et je profite pour récupérer la couleur que j’ai achetée plus tôt. Je file dans la salle de bain, je n’ai pas beaucoup de temps devant moi. Vingt minutes plus tard me voici métamorphosée.


Je rejoins les tourtereaux comme prévu et j’entends que le ton monte dans la chambre. Je ne sais pas si je dois rentrer maintenant ou si j’attends que la tempête se calme.


- Aller bébé, ce n'est pas si grave !
- Pas si grave ?
- Je n'ai pas accepté le rendez-vous que je sache, j'ai juste pris une carte !
- Tu aurais dû m'en parler avant !
- Désolée de ne pas avoir grillé notre couverture devant ses gars en te demandant ton accord ! Puis il me semble que je fais encore ce que je veux !
- Tu aurais dû rester à la maison !
- T'es sérieux Raphaël ? Et j'aurais fait quoi à la maison ? Je t'aurais attendu bien sagement comme le bon toutou à son maître ?
- Ce n'est pas ce que je veux dire…


Elle est dure, quand je remarque que les pas se rapprochent, je rentre et me colle sur la porte pour lui barrer la route, tous deux me regarde comme si je venais d’une autre galaxie.

 

- Vous n'en avez pas marre tous les deux ?
- Pousse toi de la Rosy. Je retourne dans notre chambre.
- Hors de question Tana ! Je ne veux pas vous voir vous déchirer, alors temps que vous ne serez pas réconciliés, vous resterez enfermés.
- J’aimerais bien savoir comment tu comptes faire.
- Avec la clé, oui moi aussi j’ai plusieurs cordes à mon arc.


Avant que Tana ne me rattrape, la porte était verrouillée de l’extérieur. Elle essaie tant bien que mal de tourner la poignée.


- Ne t'acharne pas sur cette porte Tana, elle ne t'a rien fait.
- Rosy à quoi tu joues ?
- Je vous dois bien ça !
- Attends qu’est-ce que tu comptes faire ?
- À tout à l’heure les amoureux !
- Raphaël, tu as vu sa couleur de cheveux, elle compte aller au rendez-vous à ma place... Rosy, ne fait pas ça !


 

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