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Chapitre 22

Tana

Mercredi 14 Novembre

Il est huit heures du matin, nous atteignons déjà les 28 degrés, loin des températures glaciales qui commencent à s'installer un peu partout sur le reste du monde, depuis notre arrivée à Sulani, il y a trois jours, nous faisons comme si nous ne nous connaissions pas Raphaël et moi. C'est tellement dur, devant un cadre aussi magnifique, je préférerais profiter de ses bras, et de son corps plutôt que de faire l'enquêtrice, mais c'est pour la bonne cause et puis je trouve que je joue plutôt bien mon rôle de touriste étrangère. J'ai même changé de couleur de cheveux pour rentrer encore plus dans mon personnage et faut dire que les cheveux bleus c'est loin d'être discret. Je sais que nous ne sommes pas dans un jeu, que ce n'est pas réellement les vacances et je me rends bien compte de l'enjeu de ce déplacement surtout que nous ne sommes plus que deux sur ce coup. Sullivan, lui ne pouvait pas prendre le risque de venir, Sidney le reconnaîtrait directement et Susy malheureusement a des choses à régler. Quand nous avons appris pour son amie et son agression, nous avons tous les trois été choqués, je pense que c'est mieux pour elle qu'elle prenne un peu de distance, c'est aussi pour ça que nous n'avons pas hésité quand Sullivan nous a expliqué la seconde partie du plan, après avoir reçu l'appel de l'ami de son ami pour indiquer la localisation de cette fameuse Sidney. Il nous a demandé de venir ici, de la trouver et de tout faire pour avoir des informations qui pourraient la faire tomber, enfin ça me paraissait plutôt simple sur le papier, mais maintenant qu'on y est, on a toujours pas avancé.
 

Je sais très bien que Raphaël aurait préféré que je rentre à la maison, il ne m'a rien dit parce qu'il me connaît par coeur et que même s'il me l'avait demandé j'aurais dit hors de question. Je l'ai dit, je serais auprès de lui, coûte que coûte, son seul moyen pour lui de se débarrasser de moi, ça serait de me ligoter et me balancer dans l'avion. C'est peine perdue et il le sait très bien. Je ne suis pas si bête, je sais que c'est dangereux, qu'ils sont capables de tout, après ce qu'ils ont fait à sa mère, à tous les gens qui se sont approchés de trop près de cette affaire, mais je suis têtue et même si lui n'a pas peur pour sa vie, moi j'ai peur pour la sienne.


Et puis maintenant qu'on est là, je ne ferais pas demi-tour, le trajet en avion est bien trop chiant pour le faire en solitaire, et même si nous avons loué deux chambres séparées, que son corps ne réchauffe pas le mien le soir, que les effluves de la poissonnerie d'en bas sont insoutenables, la vue et le climat n'en restent pas moins idylliques et je ne voudrais le vivre avec personne d'autre.

 

J'enfile ma tenue de touriste et mes lunettes de soleil pour aller arpenter les rues de Sulani, je sais que je ne tomberais pas nez à nez avec cette garce de Sidney de ce côté de l'île, nous avons préféré par précaution, prendre un hôtel dans la partie de l'île la moins huppée. Je vais partir en direction de Mua Pel'am, les locaux m'ont déconseillé d'y mettre les pieds, ils l'appellent, l'île au volcan, pas seulement pour l'imposant puit de lave qui risque de se mettre en éruption à n'importe quel moment, mais aussi parce que les bars là-bas ne sont pas fréquentés par des gens recommandables. L'interdit m'attire et faut dire si on veut avancer un peu, nous n'avons pas trop le choix, prendre des risques fait aussi partie de cette mission.
 

En sortant dehors, je vois les locaux s'affairer à leurs tâches quotidiennes, c'est vraiment un pays où j'aimerais vivre, il fait pratiquement beau toute l'année, le paysage est à couper le souffle et depuis que nous sommes ici, je ne vois que de l'entraide entre les gens, j'ai même retrouvé des assiettes sur le sol pour les animaux errants.
J'ai le droit à de beaux sourires, la vibration de mon téléphone me fait sursauter, Roselya, je n'attendais plus son appel, dis donc.


- Salut Roselya.
- Tu es où ?
- À Sulani, Maman et Papa ne te l’ont pas dit ?
-  Si bien sûr, mais je veux dire tu es où exactement ?
- Actuellement près d’un voilier, je vais embarquer dans pas longtemps. Pourquoi ?
- Parce que je suis là, moi aussi !
- Quoi ?
- J’arrive !


 

Comment ça elle est là ? Je regarde dans tous les sens, après cinq minutes à tourner sur moi-même, je vois une petite main gesticuler en l’air, mais je rêve c'est bien elle, mais qu’est-ce qu'elle fout là ?!


-  Surprise !
- Pour une surprise s’en est une, qu’est-ce que tu fais ici ?
-  Cache ta joie dit donc.
-  Non je ne voulais pas dire ça, mais comment tu m’as trouvé ? Comment tu as fait ?
- Je te signale que je vis encore chez les parents, donc quand tu leur as dit que tu étais bien arrivée à Sulani, tu leur as aussi indiqué où tu étais donc ce n'était pas très compliqué. Tu es contente ? Je suis venue vous aider ! C’est les vacances, je n’avais pas envie de rester enfermer à la maison à bosser alors que ma sœur et son copain… D’ailleurs où est Raphaël ?
- Chut !
- Qu’est-ce qu'il se passe ?
- Je vais tout t’expliquer, monte dans le bateau, mais où sont tes valises ?
- À l’hôtel ! Je voulais te faire la surprise en arrivant dans la chambre, priant que vous ne soyez pas en train de faire un câlin, mais l’homme de l’accueil m’a dit que tu étais sortie, alors j’ai déposé mes affaires et je t’ai appelé et la suite tu l’as connais je te la raconte.

 

Je n’en crois pas mes yeux, ma soeur est avec moi, installée sur le voilier, je lui ai tout raconté en détail et je vois dans ses yeux qu’elle n’aime pas du tout la tournure des choses, mais elle est là. A deux on sera plus fortes et puis les journées seule c’est vraiment pas cool, alors une compagnie n’est pas de refus, on a encore quelques trucs à rattraper, ça fait si longtemps qu’on n'a pas passé un peu de temps ensemble.


- Quel est le plan maintenant ? On va où exactement ?
- Sur l'île de Mua Pel’am.
- Elle est là-bas ?
- Non pas exactement, mais apparemment ce côté de l’île n’est pas hyper bien réputé.
- Comment ça ?
- Surtout ne commence pas à me dire. “Tana ce n'est pas bon çà.”
- Ok.
- Il y a des bars.
- Cool.
- Des dauphins
- GENIAL !
- Du trafic d’armes et divers jobs pour avoir de l’argent facile.
- QUOI ? MAIS...
- Tu as dit OK !!!!!!!!!
-  Qu’est-ce que tu comptes faire ?
- Je ne sais pas, peut-être qu’on pourra en savoir plus en laissant nos oreilles traîner puis de toute façon on ne perd rien à aller voir !
- Et Raphaël est d’accord ? Ça m’étonne de lui !
- …
- Non ! Tu ne lui as rien dit c’est ça ?
-  …

 

Nous arrêtons le voilier près de la plage, des gens sont déjà au bar à boire du kava, tout m’a l'air parfaitement normal, les individus ne portent aucun regard sur nous, leurs vies continuent, j’avais peur de trouver des déchets partout et des cadavres dans le sable chaud, mais quand je vois l’installation de cette plage rien n’indique une facette sombre.


- On va boire un coup ?
- T’es sérieuse ?
- Nous sommes des touristes Roselya, comporte-toi tel quel !


Nous nous installons sur des transats, un homme muni de son plateau s’approche, Roselya rougit à son arrivée, c’est vrai qu’il est pas mal.


- Mesdemoiselles je vous sers un rafraîchissement ?
-  Une menthe à l’eau pour moi s’il vous plaît !
- Et pour vous ?
-  Un cocktail coco ananas.

Roselya me regarde avec son air choqué, je veux bien être en mission, mais quand même, je ne vais pas boire de l’eau pendant tout le séjour. Le serveur revient avec notre commande plus vite que l’éclair, arborant un large sourire.


- Voici pour vous.
-  Combien je vous dois ?
- Vos verres sont déjà payés.
- Ah oui ?
- Les deux jeunes hommes au bar vous les offrent…

 

Nous tournons la tête et les deux hommes lèvent leur verre, Roselya me regarde paniqué.


- Tu les connais ?
- Est-ce que j’ai l’air de les connaître ?
- Oh merde, ils arrivent Tana, qu’est-ce qu'on fait ?
-  Reste calme, bois ton verre et laisse-moi faire.

 

J’essaie de paraître naturelle, mais mon cœur est prêt à sauter de mon corps pour rentrer à la nage.


-  Salut les beautés.


** Super des lourdingues**


-  Bonjour.
- Qu’est-ce que de si jolies spécimens viennent faire de ce côté de l’île ?
- Nous sommes en vacances et nous avons bien besoin de décompresser.
- Cool… Vous vous ressemblez drôlement !
- Normal on est jumelle. Crache Roselya.
- Oh des jumelles, vous avez des petits noms ?
- Elle c’est Lydia et moi Texas.
- Très jolie, lui c’est Yuri et moi Benjamin ! Dites-les filles, pardonnez-nous, mais ça ne vous direz pas de vous faire un peu d'argent ?
- Ça dépend comment, quelque chose a proposé ?


Roselya me regarde à nouveau, si elle avait des flingues à la place des yeux elle m’aurait mitraillé sur place. Dit donc, les études la coincent sacrément. J’ai l’impression qu’elle a un balai dans le cul tellement elle est chiante.


- Je te donne ma carte, il y a mon numéro, on pourrait en discuter autour d’un verre un soir ?
- Pourquoi pas !

 

Je lui fais un clin d’œil. Ils sont restés à papoter avec nous pendant cinq minutes, avant de repartir en titubant. Ce fut bref, et je suis soulagée qu'ils aient déguerpi, mais je suis certaine qu’ils vont nous aider d’une manière ou d’une autre. Je ne sais pas encore comment, mais je doute que ce soit très légal ce qu’il a à me proposer.


- Mais tu es malade ou quoi Tana ? Lydia et Texas sérieusement ?
- J’ai juste pris la carte Rosy ! Tu aurais préféré que je leur dise nos vrais prénoms ?
- Raphaël ne va pas aimer du tout, tu le sais ?
- Je sais… C’est pour lui que je fais ça...

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