Épilogue 5
Raphaël
Quatre ans plus tard ...
Quand on a des enfants, on espère avoir de temps en temps un peu de calme, et quand la maison finit par être plongée dans le silence, on s’inquiète, car c’est souvent qu’une connerie se prépare. Je file au bas des escaliers pour écouter, mais je n’entends absolument rien.
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- Eléana, ça va ?
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Elle n’a encore que dix ans, ses passions s’arrêtent aux poupées barbies, je n’ai pas envie qu’elle grandisse trop vite, rien que de penser au jour où elle va me ramener un garçon me fait froid dans le dos. Je me demande comment je vais réagir ce jour-là, si je vais faire le papa super cool ou si je vais devenir un agent du FBI en posant toutes les questions au garçon plein d’hormones qu’elle va faire rentrer dans sa chambre. Brrrr, Raph n’y pense pas maintenant.
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Je toque à la porte et j’entends des sanglots.
- Ça ne va pas mon coeur ?
- Je suis triste…
- Tu veux bien me raconter ce qui te met dans cet état ?
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Elle secoue la tête en signe de non. Qu’est-ce qui peut bien tracasser une enfant de son âge ? Elle a tout le temps encore pour se mettre dans des états pareils. Je m’approche de son lit et lui caresse les cheveux. Depuis son arrivée, je suis extrêmement proche d’elle. Tana m’a toujours laissé m'imposer dans l’éducation et ne m’a jamais privé de ma fille. Même si je n’ai pas été là pendant la grossesse, quand elle m'a appris que j’étais papa, je n’ai pas su quoi dire. C’était tellement… Imprévu. Je n’avais pas la moindre idée que ma vie allait prendre un tournant pareil. C’est un peu égoïste de me dire que cet enfant est celle qui nous unit encore en partie Tana et moi.
Quand je suis rentré dans cette petite chambre il y a maintenant près de dix ans, que j’ai posé les yeux sur ce tout petit bout de nous, je l’ai aimé au premier regard, j’avais espéré que cet enfant apaise Tana sur la souffrance que je lui ai causée, mais malheureusement, elle m’en veut encore, je le sais. Son regard même après ses nombreuses années est toujours fuyant. Nous n’avons jamais réellement posé les choses à plat elle est moi, on s’est entendu dès le début sur comment allait se passer nos vies avec Eléana, comment on organisait la garde, mais l’incident n’est jamais revenu sur le tapis.
Eléana sanglote à nouveau.
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- Tu sais que tu peux tout me dire ma puce ?
- Pourquoi on ne vit pas tous ensemble papa ?
- Comment ça ?
- Je parle de maman et nous, pourquoi je dois toujours en quitter un pour passer du temps avec un autre ?
Je savais qu’un jour elle finirait par se poser des questions, malgré son jeune âge elle est très mature et comprend très vite les choses. Je m’étais préparé à lui expliquer sans trop de détail, mais maintenant qu’on y est j’ai du mal à trouver les mots pour la consoler.
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- Tu sais ma chérie, parfois les adultes font des choses qui blessent…
- Tu as blessé maman ?
- J’ai fait quelque chose qui l’a rendu extrêmement triste oui.
- Pourquoi tu as fait ça ?
- Je ne sais pas, j’ai été idiot.
- Les garçons sont vraiment bêtes !
- Parfois. Bon ok souvent.
- J’aimerais tant pouvoir vous avoir tous les deux en même temps…
- Je sais. J’adorerais aussi.
- Dis papa. Tu l’aimes encore maman ?
- Je l’aimerais éternellement.
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Elle réfléchit un instant et sèche ses larmes.
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- Si tu l’aimes, pourquoi tu ne vas pas la voir et t’excuser ?
- Ce n’est pas si simple ma puce.
- Vous dites toujours ça vous les adultes. C’est nul.
- Est-ce que ça te dirait qu’on aille manger une glace ?
- Hum. À la fraise ?
- C’est toi qui choisis.
- D’accord. Est-ce que tu penses que maman voudrait nous accompagner ?
- Je peux lui demander si tu veux ?
- C’est vrai ?
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Je me lève, l’embrasse et je redescends dans le salon, j’appelle Tana. Eléana n’avait jamais abordé le sujet jusqu'à maintenant et quand on y pense elle n’a jamais passé de journée avec ses deux parents réunis, je veux dire en dehors des Noël qu’on passe pratiquement chaque année ensemble, c’est différent. Je sens qu’elle a besoin d’être seule avec nous. Je prends mon téléphone et compose le numéro.
- Allo, il y a un problème ?
- Non ne t’inquiète pas. Je t’appelle car ta fille voudrait aller manger une glace.
- Oh, super. Elle adore celle du petit stand…
- … Elle voudrait que tu sois là.
- Ah.
- Je sais que c’est dur pour toi, d’être avec moi, mais je l’ai retrouvé en pleurs dans sa chambre, elle commence à se poser des questions Tana et je ne suis pas doué pour ça.
- Je vois, on savait que ça arriverait un jour ou l’autre de toute façon. On se rejoint là-bas dans dix minutes ?
- Merci Tana.
- Raphaël, c’est notre enfant, et je ferais tout pour elle. À tout à l’heure.
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J’appelle Eléana qui est déjà prête à aller déguster sa glace, elle me pousse presque dehors.
- Maman vient ?
- Oui ! Elle nous rejoint là-bas.
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Je ferme la porte et en la regardant, toute ma vie défile, dix ans déjà et pourtant j’ai l’impression que c’était hier… Hier mon tout dernier baiser avec la femme que j’aime le plus au monde. Hier que j’ai appris que j’étais père. Si seulement on pouvait être heureux tous ensemble…