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Chapitre 9

Lundi 15 Octobre

Je n'ai jamais autant stressé que de repartir au boulot. Je ne sais pas comment je vais gérer la situation, est-ce que je dois aller le voir directement pour mettre les choses au clair ou est-ce que je fais comme si rien ne s'était passé ?

 

Heureusement, je n'ai pas passé mon dimanche affalé sur le canapé avec un pot de glace, j'ai passé l'après-midi avec Erobie, nous sommes allées au parc et au moins j'ai pensé a autre chose. Elle m'a même envoyé un SMS ce matin pour me souhaiter bonne chance, j'ai tellement envie de lui dire la vérité pour samedi soir, pourquoi je l'ai laissé en plan comme une moins-que-rien, mais je ne peux pas, déjà parce que nos affaires sont confidentielles et puis j'ai promis de ne rien dire. Mais elle m'a aidé hier à trouver des arguments pour Monsieur Lidol, même si j'ai bien vu qu'elle n'était pas vraiment du même avis que moi. Je ne veux pas perdre mon travail.

 

Il a fait froid cette nuit, le pare-brise de ma voiture est recouvert d'une fine couche de givre, l'hiver s'annonce glacial, forcément, c'est la saison que je déteste qui dure le plus longtemps. Je vais devoir ressortir les manteaux et gros pulls. C'est nul. En approchant du cabinet, mon cœur est sur le point d'exploser, quelque chose ne va pas. Mes collègues sont dehors à fumer une clope et à mon arrivée, tous les regards sont tournés vers moi, une des avocates me lance :


- Tu n'as pas honte de venir ici ?
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Monsieur Lidol t'attend de pied ferme.


 

Je rentre rapidement dans le hall du cabinet quand Nick me saute dessus. Il n'a plus l'air si amical que ça.


- Tu n'as pas fait ça quand même ?
- Fais quoi bon sang, qu'est-ce qu'il se passe encore ?
- Tu devrais monter à l'étage.


J'ai ma dose de personne mystérieuse, mais je comprends vite le souci, toutes les pièces sont dévastées, les bureaux sont retournés, les livres des bibliothèques jonchent le sol. Un vrai dépotoir. Monica est avec Monsieur Lidol, elle me fixe avant de prévenir Jacques de mon arrivée d'un signe de tête.


- Vous êtes là.
- Que c'est-il passé ici ?
- Ne faites pas l'innocente !
- Quoi ? Mais... Je n'ai rien à voir la dedans !
- Je comprends que vous soyez en colère, mais de là à mettre à sac tout le cabinet c'est intolérable.
- Je vous jure que j'y suis pour rien !
- Je vais vous demander de prendre vos affaires et de déposer votre dossier en cours sur votre bureau. Votre période d'essai s'arrête ici.
- Quoi ? Mais vous n'avez pas le droit, vous n'avez aucune preuve. Je ne compte pas vous laisser vous en sortir ainsi monsieur Lidol.
- Vous avez de la chance que je n'appelle pas la police, ou que je ne vous attaque pas en justice, pour vos avances déplacées.
- Mais c'est une blague ! Personne ne va vous croire !
- Pourquoi mentir Madame Vockwin, Monica vous a vu hier soir près des bureaux.
- Bien évidemment. Si vous pensez vous en sortir comme ça.

 

Il baissa d'un ton avant de me cracher au visage.


- Vous n'êtes plus la bienvenue ici, Madame Vockwin, aux yeux de vos collègues vous êtes la petite nouvelle qui veut se taper le patron pour avoir quelques privilèges. Comme par exemple votre petite voiture de fonction que vous êtes la seule à avoir pu avoir depuis bien longtemps. Vous feriez mieux de partir maintenant. Vous ne m'êtes plus d'aucune utilité.
- Très bien, mais sachez Monsieur, que vous pourrez vous cacher derrière tous les mensonges du monde, la vérité finit toujours par éclater.


Je suis en colère, pourquoi je n'y ai pas pensé avant, j'aurais dû me douter que ce sociopathe de personnage allait me faire une crasse. Mais jamais je n'aurais imaginé qu'il puisse aller si loin, j'aimerais bien savoir ce qu'il a promis à Monica pour qu'elle mente comme ça. Je récupère mes affaires et je me casse d'ici.
Monica m'attend, les bras croisés et le regard noir. Qu'est-ce qu'elle me veut encore ?


- Je t'avais prévenue. Tu ne devais pas le toucher.
- Ah ! Parce que même toi tu y crois à ce mensonge. Faut croire que Monsieur Lidol n'est franc avec personne, même avec la poupée gonflable qui lui sert de vidoir à sperme. Tu es aussi ridicule que lui, aussi moche à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ça prendra peut-être du temps, mais vous aurez ce que vous méritez, je vous le promets.
- Ne joue pas à ce jeu avec nous.
- Fais-moi rire, tes menaces ne me font pas peur. Va continuer à pomper le patron, c'est la seule chose que tu sais faire. Traînée.

 

Sous mes mots glaçants et vulgaires, Monica tourne les talons et part se réfugier dans le bureau du sale porc de menteur de Lidol. Je n'ai pas l'habitude d'être aussi crue dans mes paroles, mais je suis hors de moi. Il y a déjà bien assez de boulot où les employés sont pris pour des sous merdes, si maintenant même les avocats s'y mettent. Pas aussi clean que ça pour le meilleur cabinet d'avocats. Ils entendront parler de moi. Mon carton dans les bras, je me dirige vers le tram, je veux rentrer chez moi et aller me cacher sous ma couette. J'ai honte, je me sens salie. Comment je vais pouvoir retrouver du travail après ça ? Il n'a peut-être pas prévenu la police, mais je suis certaine qu'il ne fera pas d'éloge quand un confrère l'appellera pour avoir des renseignements. Je suis foutue, des années de travail pour ça. Pour une fois j'arrive à me mettre à la place d'un présumé coupable. J'en viens même à penser que j'aurais peut-être dû accepter ses avances, ça m'aurait évité tous ses tracas.


Je suis dépitée, je ressasse encore et encore les mots de Monsieur Lidol, je suis vide, vide de sens, je n’arrive même plus à penser correctement. Le silence de mon appartement n’arrange rien, à l’époque de la coloc, ils auraient tous été là pour me consoler, me dire que tout ira bien, que je vais me relever, que la battante en moi va remonter la pente comme une cheffe et un câlin collectif aurait soulagé mes peines, mais ils ne sont pas là, Béa est aux abonnés absents. Depuis la soirée de vendredi je ne l’ai même pas rappelée et elle n’a pas non plus envoyée de SMS. La seule qui est là pour moi alors que je ne la connais que depuis quelques jours c’est Erobie. Je l’appellerais dans la journée, mais pour l’instant je vais aller noyer ma peine dans la baignoire. De toute façon qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ?

​

...
 

Je me suis enroulée dans mon peignoir en satin, c’est confortable doux et comme je vais rester terrée comme une pestiférée pendant des jours, autant être à l’aise. Je dois appeler Monsieur Colson pour l’avertir que malheureusement, nos chemins doivent se séparer. Je ne peux plus rien faire pour lui. Il va être déçu. Je le suis moi-même. Ce dossier va retomber dans les oubliettes et mon client… mon ancien client finira sa vie derrière les barreaux. Mon téléphone dans les mains, je fouille le répertoire des contacts pré-enregistrés, il y a toute une panoplie de surnom, mais pas de Sullivan. “Choux à la crème” Kezako ! “Le gouffre” … Mais … Tous les surnoms sont plus bizarres les uns que les autres. Mais un d’eux attire mon attention “Capuche noire”, je crois avoir trouvé. J’appelle immédiatement, j’ai le coeur qui bat, je n’ai pas répété dans ma tête ce que j’allais bien pouvoir lui dire, ça m’aide d’habitude.


- Allo ?
- Sullivan ?
- Oui.
- J’ai une mauvaise nouvelle.
- Comment ça ?
- Je viens de me faire virer. Je ne pourrais plus vous aider.
- Non non non, ce n’est pas possible.
- Je vous avais dit qu’au travail s'était compliqué, ils ont trouvé une excuse pour m’évincer, je suis vraiment désolée. Sincèrement.
- On doit se voir ! Vous ne pouvez pas baisser les bras comme ça !
- Mais que voulez-vous que je fasse ? Je ne suis plus avocate !
- Oui, mais vous connaissez le dossier par cœur non ? Et il n’y a pas besoin d’être avocate pour enquêter ! Nous avons besoin de vous Madame Vockwin. Chris à besoin de vous !
- Je vous rappelle Monsieur Colson.


Pfff, ça c’est fait. Profitant d’avoir mon téléphone, je compose le numéro d’Erobie, j’aimerais vraiment passer un bout de temps avec elle, elle me fera penser à autre chose au moins.
Ça sonne… Une fois, deux fois, trois fois.

- Salut toi.
- Coucou Erobie.
- Houla, tu as une petite voix. Tout va bien ?
- Non, je me suis fait virer ce matin !
- Tu déconnes ?
- Non, non.
- Il t’a donné une raison ?
- Tu serais disponible pour qu’on en parle ?
- J’aurais vraiment aimé, mais je ne suis pas là avant vendredi ! J’ai dû ramener ma mère à Oasis Spring.
- Ok. Tant pis.
- Je suis désolée, mais je peux passer vendredi matin et on passe la journée ensemble ?
- Oui. Ça serait super !
- Je dois filer. Mais n’hésites pas à me rappeler ou on s’écrit. Bisous. Et Susy, ne t’en fait pas tu retrouveras du travail, j’en suis sûr. C’est peut-être mieux comme ça.
- Bisous.


Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire moi pendant quatre jours… Déjà, m’inscrire à Pôle emploi, ils ne sont pas pressés alors je ferais mieux de m’y mettre.

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